Une personne atteinte d’hypersensibilité environnementale peut avoir eu une carrière réussie jusqu’à l’apparition de son hypersensibilité. Mais comme les hypersensibilités environnementales ne sont souvent pas reconnues, ou que leur existence même est niée ou délégitimée, il n’est pas rare qu’une personne souffrant de cet état pathologique perde son emploi. Cela ne devrait pas être le cas.
Réclamation à la CSST
Quand une exposition sévère au travail déclenche chez une personne des hypersensibilités environnementales et entraîne chez elle une incapacité à travailler, elle peut déposer une réclamation à la Commission de la santé et de la sécurité au travail (CSST). Elle doit cependant rencontrer deux conditions :
- (1) être un travailleur au sens de la Loi (et non un entrepreneur),
- et (2) être en mesure d’obtenir un certificat médical attestant de la situation.
Au cours des dernières années, au Québec, la Commission des lésions professionnelles, soit le tribunal d’appel pour des réclamations à la CSST, a reconnu le droit à des indemnités de la CSST à au moins une dizaine de travailleuses et travailleurs ayant développé des hypersensibilités environnementales en lien avec des expositions – la plupart du temps des solvants – au travail. Ces victoires ont été remportées de peine et de misère : la personne atteinte a dû se battre avec acharnement, souvent pendant plusieurs années, avant de voir son droit reconnu. Cependant, ces causes illustrent qu’en droit, comme en médecine, point besoin d’attendre de tout comprendre d’une maladie avant de reconnaître ses effets sur un individu.
Par ailleurs, si les expositions au travail provoquent des symptômes sans rendre la personne incapable de travailler, le recours le plus approprié est une demande d’accommodement en vertu de la Charte québécoise des droits et libertés ou, pour les travailleuses et travailleurs œuvrant dans des domaines de juridiction fédérale, en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Notons cependant qu’en ce moment les personnes ayant obtenu la reconnaissance de leur incapacité par la CSST ne peuvent, lors de leur retour au travail, invoquer le droit à un accommodement raisonnable. Les tribunaux ont décidé qu’en cas d’accident de travail ou de maladie professionnelle, les mesures d’accommodement disponibles se limitent aux mesures qui sont déjà prévues dans la Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles.
Un cas de figure : une réclamation acceptée
par la Commission des lésions professionnelles
À des fins d’illustration, relatons le cas d’une travailleuse occupant un poste de technicienne en électronique, exposée à plusieurs reprises à la colle et à un accélérant utilisés lors du collage de pièces dans une usine de fabrication de produits de sécurité. Lorsque le poste de collage de pièces est temporairement déplacé près de son poste de travail, elle éprouve tout de suite des vertiges, des étourdissements, des maux de tête, des spasmes au visage et des douleurs à la poitrine. Elle se rend à l’urgence en ambulance, puis y est vue par une neurologue. Cette dernière observe d’abord qu’elle a des « symptômes qui suggèrent l’anxiété ou un début de dépression anxieuse ». Ce genre de psychologisation est hélas typique de l’accueil réservé aux personnes atteintes d’hypersensibilités environnementales par des médecins peu informés sur la maladie. En fin de compte, après un examen attentif et des tests plus poussés effectués à l’hôpital, le diagnostic posé par la neurologue et, ensuite, par le médecin traitant de la travailleuse se précise. Il s’agit de céphalées, de spasmes à l’hémicorps gauche, de douleurs neuropathiques et de brachialgie gauche (douleur au bras), qui sont tous des symptômes directement liés à l’exposition à de la vapeur de colle et d’accélérant. Après un mois d’arrêt, la travailleuse retourne travailler. Dès son retour, grâce à la collaboration de ses supérieurs, son poste de travail est placé loin du poste de collage de pièces. Lorsque la colle est utilisée ailleurs dans l’usine, elle en est avertie et évite d’y circuler, ce qui permet de minimiser ses symptômes. Les migraines qui sont parfois déclenchées par les odeurs sont contrôlées avec des médicaments.
À l’audition devant la Commission des lésions professionnelles, en conformité avec la Loi sur la santé et la sécurité au travail, l’employeur doit fournir au tribunal les fiches signalétiques des produits auxquels la travailleuse a été exposée, soit des solvants hautement toxiques. Cependant, invoquant le fait qu’aucune autre personne exposée ne s’est plainte de symptômes semblables, l’employeur demande le rejet de la réclamation. Le tribunal tranchera cependant en faveur de la travailleuse, du fait qu’auparavant, elle n’avait jamais souffert ni d’anxiété, ni de dépression, et à cause de son témoignage très convaincant au sujet de l’exposition à ce solvant en tant que source de ses problèmes de santé.